Révélations

" Lorsque j’étais enfant, le mot ‘plaisir’ ne faisait pas partie du vocabulaire de ma génération…on parlait plutôt de ‘convenance’. A son seul écho, nous rentrions dans un moule avec nos robes à smocks vichy, nos sandalettes ajourées, nos nattes et le nœud assorti à la robe. Sans oublier les barrettes garnies d’une fleur, d’un papillon ou d’une coccinelle qui ne laissaient aucun cheveu s’aventurer. S’il y avait un évènement dans ma vie Granvillaise à retenir, ce serait immanquablement son carnaval. Ah, ces lumières, guirlandes, lampions, ballons, confettis, et serpentins ! Sans oublier les clairons, accordéons, harmonicas, toute cette cacophonie qui durait quatre merveilleux jours. Oui, quatre jours sans école. Le samedi et le dimanche, nous avions droit à un défilé de chars, préparés et décorés tout au long de l’année, en fonction des… "

« - Venons-en au fait, tu es venue pour quoi ?
- Quelle question, pour maman, bien sûr ! Tu trouves pas qu’elle est bizarre en ce moment ? J’sais pas ce qu’elle trafique, c’est pas la première fois qu’elle part à Granville. Pourquoi seule ? Tu savais qu’elle voyait Eric et Alexandre ?
- Ce sont ses cousins, après tout.
- Dès que le téléphone sonne, elle s’enferme dans sa chambre.
- T’en as parlé à ton frère ?
- Fabien ? Il sait quelque chose ?
- Je te fais bisquer ma chérie ! Au fait, demande à Margaux quand tu la verras, quel jour on peut passer avec Aline…son mari perd la boule. On s’inquiète vraiment. Et fais moi plaisir, laisse un peu ta maman tranquille !

Va falloir que j’affronte ma mère.
J’enlace longuement Léonie, un pincement au cœur, comme un adieu. Ça me joue des tours. Comment discerner une sensation d’une intuition ? J’aperçois un bus au loin. Faut pas que je le loupe !
- J’y vais mamie, je t’appelle !
- Quand tu veux ma Juju !

Seize heures.
Je cours, les doigts crispés sur ce cahier vert, comme s’il possédait un pouvoir, une clé, un code. N’importe quoi ! Est-ce qu’un jour j’aurais droit à des confessions ? Ça n’est pas le genre de la famille. »